Sortie de crise Covid19

Le monde d'après: utopie ou réalité ?

Le monde d'après, en indécrottable optimiste que je suis, j'y crois et ai commencé à le construire durant le confinement à la campagne. Mais dans l'entreprise, ce monde d'après est-il 1°) Souhaitable 2°) Possible 3°) Prioritaire ?

Au lieu d'acheter, pour les enfants, une cabane en kit bon marché à 499€ qui avait été construite dans un contexte de moins disant social et traversé la moitié de la planète sur un porte-container, j'ai choisi de désosser des palettes inutilisables, qui trainaient à l'entour et imaginé un nouveau concept pour ne pas me retrouver avec une cabane de catalogue que l'on retrouve dans 25342 jardins en Europe. Construire une cabane à partir de palettes, était plus long, plus dur, n'a pas consommé d'énergie, n'a rien coûté d'autre que la peinture si ce ne sont les 30 heures que j'ai passées à me faire des ampoules en déssossant les palettes. Je vous dirai bien que les enfants, qui ont participé à sa construction, sont plus heureux avec cette cabane qu'avec celle qui venait de l'autre bout du monde, mais on ne le saura jamais. Mais ils sont contents et j'en ai profité pour leur transmettre le goût de l'effort et de l'originalité. De même, dans l'entreprise, construire le monde d'après nous emmène vers l'inconnu et va nous amener vers des choix forts et peut-être radicaux: se désintoxiquer des services en ligne qui consomment de l'énergie, choisir les solutions souveraines souvent plus chères, préférer les fournisseurs de matériel durable, peut-être acheter plus local mais surtout préférer des modèles économiques durables aux business models "start-up" d'hyper croissance ou aux business models "CAC 40" centrés par la rentabilité de court terme. Mais on voit bien que dans un contexte où nombre d'entreprises s'interrogent sur leur survie à court/moyen, le choix du monde d'après peut paraître un luxe de nantis.

Ni hyper croissance des start ups, ni rentabilité à 3 mois du CAC 40

Ma société, Neodia, peut se payer le luxe de réfléchir au monde d'après pour deux raisons: en configuration réduite et dotée d'une forte trésorerie, nous pouvons nous projeter sur le moyen/long terme. Mais, surtout, cela fait sens pour nous. On pourrait imaginer que nous avons de la chance d'avoir ce choix. Mais c'est plus du labeur que de la chance, en ce que c'est le résultat d'un choix historique: au cours des 10 dernières années, nous avons choisi de distribuer peu de dividendes, d'accumuler des réserves, comme un bon père de famille en prévision des jours difficiles, de privilégier la pérennité à la croissance (passant au passage pour des gens manquant d'ambition), d'investir dans l'automatisation, de multiplier les paris de produits innovants (parfois perdus, parfois gagnants), bref, nous avons construit une entreprise faite pour durer. Entreprise durable par nature, le monde d'après, nous le voyons évidement durable. Car, si comme toutes les entreprises, nous avons évidement une vision tactique de court terme et profitons des dispositifs de soutien de l'état pour faire de rentrer de la trésorerie ou vendre quelques formations en plus grâce au FNE Covid 19, nous le faisons, dans le cadre d'une stratégie du long terme.

Durable par nature, opportuniste par nécessité

Je pense que pour nous réinventer dans le monde d'après, nous pensons qu'il faut synchroniser trois horizons différents: le court terme, le long terme et les principes. Les principes nous donnent un cadre qui permettent de réaliser les arbitrages ponctuels tout autant que de choisir l'objectif de fonds de la société. Le long terme correspond à une vision stratégique qui nous permet de tirer une ligne ligne entre aujourd'hui et 2030. Le court terme permet de générer du cash pour faire vivre l'entreprise, mais aussi de nous permettre d'avancer sur la ligne qui nous mènera vers notre objectif 2030.

Tracer une ligne vers 2030

Concrètement, l'avenir de Neodia repose sur 3 produits et 2 piliers. Les trois produits sont la prestation de service, peu rentable, toujours difficile scalable et concurrentielle, mais stable, la formation en ligne, en devenir mais potentiellement très rentable car scalable, et des services d'intelligence artificielle symbolique au potentiel très important mais au marché éminemment fragile. Les deux piliers sont l'innovation et l'automatisation.

Ces trois activités correspondent à des services que nous jugeons utiles et centraux pour l'avenir économique du pays.

Durant le confinement et ce que j'appelle le semi-confinement (dans lequel nous sommes rentrés le 11 mai), nous avons choisi, pour reprendre du jargon de start up, "d'accélérer" sur la formation en ligne et doublé le nombre d'heures de formation disponibles (Intelligence artificielle, Marketing Digital, gestion de la crise). Nous allons nouer des partenariats de distribution de nos contenus pour faire rentrer de l'argent à court/moyen terme, mais allons aussi constituer un stock de formation dans une optique de long terme. Si nous pouvons et choisissons de le faire immédiatement, c'est parce que nous avons monté, au cours des dernières années, une chaîne de production de vidéos de formation efficace et que nous avons aussi investi dans l'administration: nous nous sommes, en effet, faits "Datadockés", c'est à dire que nos formations sont éligibles à une majorité de dispositifs de financement public. Les consultants qui initient cette démarche aujourd'hui, sont bloqués, car il n'est plus possible de se faire enregistrer en tant qu'organisme de formation et encore de se faire "datadocké". Du point de vue tactique, il y a donc une carte à jouer pour Neodia. Nous allons aussi investir dans la publicité en ligne (paradoxalement, nous, dont c'est le métier n'avions pas besoin de le faire avant).

Diversifier nos investissements

Côté financier, nous allons diversifier nos placements pour profiter d'un potentiel rebond de la bourse. Nous étions investis dans des placements à 2%-3% (sur la plate-forme Younited Credit) et allons investir sur du moyen terme (1-3 ans) dans des entreprises qui proposent des services "utiles" et bien gérées, lorsque leur cours de bourse aura atteint un point bas (évidement difficile à prédire) et, ce, tout en continuant à rembourser le crédit immobilier de nos locaux.

Temporiser le recrutement

Du point des ressources humaines, nous allons recommencer à recruter d'ici un mois ou deux dès lorsque nous aurons un peu de visibilité sur le rythme de la "réanimation" de l'économie.

Gérer son entreprise comme un forêt

Si je partage avec vous, ces orientations, c'est pour illustrer une façon micro-économique de s'adapter au nouvel environnement, pour démontrer que les entreprises peuvent se réinventer tout en étant plus utiles et plus pérennes mais aussi pour montrer qu'il peut y avoir une continuité entre la cabane design recyclée (l'écologie citoyenne) et la façon de gérer une entreprise. Tout est question de choix et de sens. Je suis devenu entrepreneur pour réaliser des projets d'abord, mais aussi parce que je souhaitais que mon engagement professionnel soit cohérent avec mes principes et mes valeurs, exactement tout comme j'ai fait pousser 20000 arbres sur le terrain qui se situe derrière la cabane pour compenser mes émissions de CO2. Tout cela ne repose sont ni sur de grands principes, ni sur de grandes valeurs et revient à peu de choses près à trois principes: ne pas prendre plus que ce qui me revient, faire avancer la société dans le bon sens, inscrire chaque démarche dans le temps. Et croyez-moi pour faire pousser une forêt de chênes, il faut s'inscrire dans le temps. Quoiqu'il en soit, à chaque fois qu'il y a eu, dans mes sociétés, de grands arbitrages, pas toujours faciles, réaliser, ils l'ont été dans le sens de l'équité, de la communauté et de la pérennité.

Donc, aujourd'hui, lorsqu'il s'agit d'imaginer le monde d'après, je m'accroche à ces lignes directrices. Ce n'est pas un modèle, mais des éléments de réflexions qui peuvent aider ceux qui seraient en recherche de nouveaux repères et auraient besoin de dépasser un objectif simpliste de maximisation de leurs revenus personnels ou du chiffre d'affaires de leur entreprise pour viser non pas plus haut, mais des objectifs différents pour un monde différent.

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